Mercredi 3 juin : Rafael Nadal, tête de série numéro 6 du tournoi de la Porte d'Auteuil, s'incline en quart de finale de son tournoi, face à Novak Djokovic. Cette défaite, seulement la seconde en soixante-douze rencontres à Roland-Garros, traduit la méforme du Majorcain, en grande difficulté depuis le début de l'année civile. Pour la première fois de sa carrière, il s'incline en trois sets secs sur le court Philippe Chatrier, là où Paul-Henri Mathieu avait déclaré que celui qui était capable de réaliser ceci n'était "pas né" (2006). Craignant même le 6-0 dans l'ultime manche, il a totalement été surclassée par le finaliste de l'édition et actuel numéro un mondial, dans un match où il a trop vite abandonné, connaissant ses maigres chances de victoire après la perte d'un premier set plus qu'accroché.

Pour "Rafa", si cette défaite semble étonnante à la vue de son palmarès stratosphérique à Paris, elle ne se trouve que dans la continuité d'un début de saison passable, si ce n'est médiocre. Trois sets secs en quart de finale à Melbourne face à un Tomas Berdych, victime préférée de Nadal, aucun Master 1000 remporté avant de se présenter à Roland-Garros et surtout des défaites inquiétantes en deux sets face à Fabio Fognini, Stan Wawrinka (vainqueur de l'édition 2015, ndlr), et Andy Murray. Des résultats plus que médiocres pour le roi de la terre battue, habituant ses supporters à des tournois prestigieux remportés chaque année, et non pas seulement le modeste tournoi de Buenos Aires.

Où se trouve le problème pour Rafa ?

Rafael Nadal a, à de nombreuses reprises cette année, tenté de mettre des mots sur ses maux. Manque de confiance, de longueur de balle, de constance, manque de qualité de jeu, tout simplement. Alternant de très beaux points avec des points plus que médiocres, il a pêché là où il régnait auparavant. Jamais Nadal n'a converti aussi peu de balles de break qu'en cette année 2015, et jamais il n'a aussi peu gagné sur terre battue.

Il a tout d'abord perdu de sa superbe côté coup droit. Là où on l'avait quitté à Roland-Garros 2014 avec un coup droit superbe et tranchant comme rarement, il n'a jamais réussi à retrouver cette qualité de manière courante et régulière durant les six premiers mois de 2015. Ses coups droits décroisés et long de ligne (fameux "banana shot") ne font plus aussi mal et surtout ne sortent plus de la raquette comme ils le devraient. De ce côté là, Rafael Nadal, capable de merveilles, se cantonne à un coup banal, capable de fulgurances mais également d'énormes fautes en longueur ou de filet. L'exemple le plus criant en étant ce match contre Andy Murray, en finale de Madrid, où l'écossais n'avait qu'à remettre la balle dans le court pour faire le point, tant "Rafa" semblait impuissant et manquait de tranchant.

Ensuite, il ne retrouve plus son service d'antan. Si au début de sa carrière, celui-ci ne paraissait pas comme dangereux à ses adversaires, il l'a notablement amélioré en 2010, et surtout pendant un US Open où il dépassait régulièrement les 200 et parfois les 210 km/h. Véritable arme pour sauver des balles de break, là où il servait des grosses premières ou des aces pour sauver des balles de break, il sert au mieux des petites premières, au pire des double-fautes. L'exemple le plus criant en étant la balle de match de son revers face à Djokovic, où sa double-faute, si prévisible, a permis au Serbe de gravir ce qui paraissait être la Montagne Nadal. Ce service il ne le retrouve pas depuis le début de l'année, et ne lui permet pas de retrouver un niveau de jeu adéquat, ainsi que des balles courtes pour pouvoir rentrer dans le court comme il devrait le faire. Ceci combiné à ses retours plus que médiocres depuis quelques années déjà, Rafael Nadal se retrouve à être sur la défensive, avec une arme de contre (en l'occurence son coup droit) plus faible que jamais.

Enfin, mentalement et physiquement, il n'a plus de quoi tenir face aux tout meilleurs du circuit ATP. Mentalement, il n'a plus l'emprise qu'il avait face aux tout meilleurs du circuit. On se rappelle de Nadal allant chercher des matchs au mental, sauvant des balles de break et des balles de set, pour arracher la victoire finale. En 2015, que nenni. L'Ibérique perd, souvent en ayant des opportunités de beaucoup mieux faire, mais il perd. Contre Milos Raonic à Indian Wells, il a de nombreuses opportunités de plier le match, et a même des balles de match, dont une sur deuxième balle. Son retour n'ayant même pas dépassé son propre carré de service. Contre Stan Wawrinka à Rome, il a 4 balles de set dans le tie break, et au lieu de retrouver un Nadal conquérant, il se retrouve sur la défensive avant de céder sous les parpaings magnifiquement distillés de l'Helvète. N'arrivant plus à prendre les choses à son compte et à garder l'emprise mentale sur ce genre de joueurs, il en devient battable pour eux et s'expose à des déconvenues, nombreuses cette année. Physiquement, Rafael Nadal vieillit. Son jeu, se basant énormément sur ses qualités physiques, ne lui permet plus d'être efficient et son physique, partie intégrante de son jeu, ne lui permet pas de dérouler celui-ci comme il le voudrait. Cercle vicieux pour le Majorcain, contraint de modifier son jeu au risque de continuer comme cette année, où, donnant tout dans la première manche, il finissait par craquer s'il perdait celle-ci.

Un redressement possible ?

Cette saison semble plus que compliquée pour Nadal. Physiquement, mentalement, tennistiquement, tous les voyants sont au rouge pour le Majorcain. Cependant, si l'espoir ne semble plus permis pour les afficionados du Taureau espagnol, l'orgueil du champion demeure présent. Haïssant la défaite, "Rafa", tel un phoenix, renaît de ses cendres suite à chaque période creuse. Ainsi après une lourde blessure en 2005 au pied, qui faillit mettre un terme à sa carrière, il renaquit de ses cendres pour devenir le joueur qu'il est devenu. Après de gros problèmes de genoux en 2009 (et sa première défaite Porte d'Auteuil face au Suédois Robin Soderling, ndlr), il est redevenu en 2010 le meilleur joueur du monde en glanant trois des quatre derniers grands chelems de la saison. Chaque fois en changeant son attitude, son jeu, et chaque fois en changeant sa façon de faire.

Rafael Nadal a également pour habitude de progresser techniquement à travers les années. Progressant en revers, puis au service, puis en coup droit à travers les années, il a toujours su trouver, jusqu'à présent, les solutions pour triompher de ses rivaux et pour être parmi les tout meilleurs joueurs du monde. L'anecdote la plus marquante ayant été après 2011, où Rafael Nadal, suite à sept défaites consécutives face à Djokovic, a du trouver des solutions pour vaincre ce dernier. Trop facilement contré en revers par le Serbe, très fort de ce côté-là, il a décidé de travailler un coup qui l'a permis de triompher à de nombreuses reprises. Son coup droit décroisé, véritable arme de destruction massive, n'a jamais été aussi fort que suite aux défaites de Nadal. Retravaillant chaque fois plus dur, chaque fois de manière plus intense pour revenir au sommet, il a, jusqu'à présent, toujours réussi à renaître de ses cendres.

Doit-il changer de staff ?

On le sait, le Majorcain ne change que très rarement ses habitudes. Les bouteilles, toujours posées au millimètre près depuis des années, le tirage de slip, le fait de ne guère marcher sur les lignes, ou de laisser passer son adversaire passer devant lui au changement de côté, rien n'a changé. Son staff lui, n'a pas changé de manière significative. Rafael Nadal reste avec son oncle, Toni, qui a forgé son succès et dont la maîtrise sur Rafa est totale. Ce staff, qui lui a permis de se hisser au plus haut niveau du tennis mondial est resté inchangé depuis de nombreuses années, permettant une continuité, ou laissant percevoir un côté prévisible de Nadal avec les années.

En effet, doit-il changer son staff ? Exit Toni et prendre un entraîneur, ancien joueur autrefois, dont l'aura égalerait celui de son oncle pour mettre dans toutes les meilleures conditions possibles le Majorcain. Ainsi comme Ivan Lendl l'avait fait avec Murray, Sergi Bruguera le fait avec Gasquet ou Ivan Ljubicic le fait avec Raonic, il pourrait prendre un Carlos Moya, idole de Rafa depuis sa jeunesse, et dont il s'est beaucoup inspiré. Mais voilà, cela semblerait impossible et serait un véritable tremblement de terre dans la planète tennis que de voir l'Espagnol changer d'entraîneur et révoquer son coach de toujours. Il semblerait totalement impossible de le voir ainsi "renier son passé", lui dont le respect envers son oncle est quasi-incomparable.

La seule solution paraît donc être l'ajout d'un complément. Comme Boris Becker et Stefan Edberg, ayant aidé les grands champions Novak Djokovic et Roger Federer, pourrait être une solution très importante. C'est ainsi que pour progresser dans les éléments offensifs, ainsi qu'au service, il pourrait prendre un ex-joueur très offensif dont les conseils à ce niveau-là en seraient plus que pertinents. Evidemment, le plus difficile serait de trouver le complément adéquat à Toni Nadal afin d'amener son neveu vers le sommet, sa place naturelle. Et c'est là, en trouvant ce bon complément à son oncle, que Rafa pourra redevenir Rafa..

Que peut-on attendre de sa saison sur gazon ?

Depuis quelques années maintenant, le quintuple finaliste du tournoi de Wimbledon n'arrive plus à s'exprimer décemment sur le gazon londonien. Tantôt sorti par le tchèque Rosol, ou par Steve Darcis et plus récemment par l'espoir australien Nick Kyrgios. Ses genoux, douloureux en permanence, semblent compliquer cette remontée vers les sommets. Mais Rafa reste Rafa, et une surprise reste tout à fait possible...