Rostov 37

Viktor Ponedelnik voit le jour le samedi 22 mai 1937. Étonnant vu son nom de famille, qui, en russe, signifie “lundi” et qui a été donné à sa famille lorsque le tsar a libéré les serfs en 1861. Il grandit dans un pays en guerre, la grande guerre patriotique, contre l’Allemagne. Et devient adolescent dans un pays en guerre froide contre les impérialistes américains. Pourtant, cela ne l’empêche pas, lui, l’enfant de Rostov-sur-le-Don, de grandir paisiblement. Et de s’adonner comme des garçons de son âge un peu partout sur la planète au football. C’est au collège militaire de Rostov que sa carrière de footballeur prend naissance. En effet, dans une Union Soviétique qui aime mettre en avant les qualités de ses enfants, le sport est un facteur important d’intégration. Après avoir déjà touché le cuir sous le maillot du Burevestnik Rostov, il commence à faire partie des jeunes joueurs scrutés par les plus grands clubs de la République Socialiste.

Et, lui qui est très attaché à sa ville natale, ne se fait pas beaucoup prier. En effet, Viktor Ponedelnik signe en 1956 au FK Rostov (Rostselmash Rostov à l’époque). C’est là qu’il commence à faire des performances très intéressantes. En effet, positionné avant-centre, il marque et fait marquer. Ainsi, lors de ses premières apparitions en pro, ses performances convainquent l’entraîneur. Par ailleurs, il s’entraîne durement afin d’intégrer une sélection de l’URSS qu’il ambitionne. Et avec qui il souhaite absolument jouer. Il ne reste certes que deux ans à Rostov, mais il a le temps de marquer à 31 reprises en 50 apparitions sous le maillot du club résidant au numéro six de la Pervoi Konnoy Armii. Le maillot bleu et jaune lui va bien, mais d’autres clubs sonnet à la porte.

Rostov 59

C’est à Rostov toujours qu’il va néanmoins poursuivre sa carrière. De 1958 à 1965, il écrit sa légende sous le maillot du SKA Rostov-na-Donu, aujourd’hui FK SKA Rostov. Et Viktor Vladimirovitch Ponedelnik va être encore plus inspiré que sous le maillot des moissonneurs. En effet, avec l’Armeytsy, il réalise des performances de très haut niveau. De 1960 à 1963, il sera d’ailleurs élu meilleur attaquant de l’Union Soviétique. Si son palmarès reste vierge avec les Pony, tout comme il l’avait été avec le RSM, il marque à de nombreuses reprises. Cinquante-quatre fois en un peu plus de 150 apparitions toutes compétitions confondues, avec notamment ses premiers matches de coupe d’Europe. Et ses premiers appels en sélection russe. C'est donc dans cette belle année 1960 qu'il est appelé pour la première fois. Et la suite appartient à l’histoire.

Il est en effet titulaire lors de l’Euro 1960, le premier de l’histoire, à la pointe de l’attaque de l’URSS. Et il marque à de nombreuses reprises durant la compétition. Ces buts lui offrent d’ailleurs le titre de meilleur buteur de l’Euro. Mais le plus important est en finale. En effet, alors qu’ils sont menés au score, les soviétiques parviennent à recoller au score. Et à la 113e minute de la rencontre, Viktor Ponedelnik marque d’une jolie frappe pour offrir la coupe à l’Union Soviétique. Un peuple et une foule entière exultent. En face, les Yougoslaves sont à terre. Cette victoire sonne comme une victoire du socialisme d’Union Soviétique sur celui du Maréchal Josip Broz Tito. Staline aurait sans doute pavané à la face du monde s’il n’avait pas rendu l’âme depuis des années.

Paris 60

Le héros de Paris 1960, à l’occasion d’un entretien accordé à l’UEFA, se souvenait de ce moment. Ce moment qui est désormais rentré dans l’histoire du football comme celui du premier Euro de l’histoire. Du premier grand titre international de football d’une nation socialiste. Et Viktor Ponedelnik a quelques regrets, d’ailleurs, sur la dissolution de l’URSS.


J’aime beaucoup me souvenir de cette finale. En battant la Yougoslavie, l’équipe nationale d’Union soviétique est devenue le tout premier champion d’Europe. Personne ne peut oublier de tels moments de gloire, que ce soit le public, les amateurs de football ou les joueurs eux-mêmes. En ce qui me concerne, le but de la victoire à la 113e minute était le plus important de ma carrière toute entière. C’est vrai, j’ai marqué beaucoup de buts pour mes clubs et pour l’équipe nationale mais certains matches et certains buts sont vraiment particuliers, le sommet de la vie sportive d’un joueur. C’était le plus beau moment de ma vie. Pour ce but, je dois remercier Mikhail Meskhi, notre ailier gauche géorgien, et son superbe centre. Malheureusement, l’Union soviétique n’est plus et la Géorgie est un pays étranger maintenant.


Cet victoire en 1960 à Paris restera gravée dans les mémoires aussi en raison de la personnalité d'Igor Netto, le capitaine de la sélection soviétique. Celui-ci, des mots mêmes de Viktor Ponedelnik, était quelqu'un d'incroyable.


C'était un joueur fantastique qui a mené l'équipe nationale soviétique à ses plus grands succès lors des Jeux Olympiques en 1956 et lors du championnat d'Europe 1960. C'était un véritable capitaine, un leader capable de mobiliser tout le monde dans les moments les plus durs et de créer l'unité dans l'équipe. Il a également été la courroie de transmission de notre entraîneur Gavril Kachalin qui lui a toujours donné un rôle très particulier.


L’équipe nationale et Viktor vont ensuite échouer au Chili en 1962, alors qu’ils semblaient plus forts que jamais… Viktor était d'ailleurs le seul représentant de Rostov au cours de ce mondial. Une singularité qui s'explique par le mauvais parcours de son équipe en championnat, qui s'achèvera à la neuvième place. Cependant, l'attaquant soviétique continue son incroyable régularité sous le maillot floqué des initiales CCCP.


Si l’on remonte toute l’histoire de l’équipe nationale d’Union soviétique, j’ai l’impression que les experts en football pensent que la meilleure équipe était celle de la Coupe du Monde au Chili en 1962. Malgré le fait que nous ayons perdu contre les hôtes en quarts de finale, la presse et les experts internationaux avaient une haute opinion de notre équipe. Mais un malheur est arrivé à notre gardien Lev Yashin. Par deux fois lors de la compétition, il a souffert d’une commotion et n’a donc pu jouer au meilleur de sa forme. Si l’histoire était écrite différemment, on aura joué le Brésil en finale, ça c’est sûr.


Moscou 66

Dans la foulée de la compétition chilienne, il continue ses apparitions avec Rostov mais est de plus en plus courtisé par le club de la capitale, le Spartak Moscou. Il y signera finalement en 1966, pour ne jamais y évoluer. En effet, du fait de sa prise de poids et d’une opération de l’appendicite, le joueur de 29 ans arrête sa carrière pour se consacrer à ses loisirs. Cet arrêt brutal et imprévu dans sa carrière l'empêchera sans doute de briller plus haut. En effet, avec le Spartak Moscou, il aurait sans aucun doute pu enrichir son palmarès de quelques lignes. Alors pour se consoler, Viktor Ponedelnik écrira des livres (Football, mon amour ; Penalty Area ; Confessions d’un avant-centre…) après avoir écrit sa légende avec l’URSS (29 capes, 20 buts).  En 1969, il reviendra au RSM pour entraîner. La performance ne reste pas dans l’histoire. Par la suite, entre des postes de journaliste puis de conseiller du président de la fédération, il ne restera pas loin du football.

Aujourd’hui âgé de plus de 80 ans, il est retraité et médaillé à de nombreuses reprises par son pays. Il a en effet été honoré de l’Ordre de l’Insigne d’honneur en 1980 et de l’Ordre de la loyauté en 1997. Il est Honored Master of Sports et Cavalier de l’Ordre de la Ruby League du Mérite depuis 2009, et a reçu l’Ordre pour services rendues à l’Oblast de Rostov en 2013. Même s’il est peu connu à l’Ouest, il reste considéré comme un des meilleurs joueurs de l’histoire du football soviétique. Et c'est peut-être aussi cela qui construit la légende du premier vainqueur de l'Euro.

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Przemyslaw NSOL
Rédacteur chez DemiVolee.com et contributeur chez raf-all.com, en plus de VAVEL. Co-fondateur du défunt 90+2. Contact : nsol[a]orange.fr