Au second tour de cet Australian Open, Rafael Nadal s'était déjà fait très peur. En passant à deux points de la correctionnelle face à un Tim Smyczek fébrile mais enthousiaste, il avait déjà envoyé un message de fragilité à la planète tennis. Malgré deux victoires en trois sets par la suite, l'Ibérique ne s'est jamais montré totalement à son avantage dans ce tournoi qui ébranle son physique plus encore que tous les autres. Tomas Berdych ne s'est, lui, pas privé de corriger le Majorcain, en lui infligeant même son premier 6-0 en Grand Chelem depuis 2006, et en l'éliminant sans vague, sans difficulté, en trois petits sets. Trop facile.

Mais qu'est-ce quel est le problème de l'Espagnol ? Si impressionnant physiquement et défensivement, il était complètement à la peine sur chaque accélération de Tomas Berdych, qu'il avait battu pourtant à dix-sept reprises consécutives, et en le battant, il aurait pu battre un record. Sans grande révolte, son deuxième set a montré une rare image d'un Nadal résigné, loin du taureau qui a habitué tous les fans de tennis, a une combativité sans faille et sur tous les points. Mentalement, serait-il à la peine ? Là où Toni Nadal a dit que son poulain ne dépasserait certainement pas les Jeux Olympique de Rio en 2016, on se demande si une certaine résignation ne serait pas présente chez "Rafa", une certaine lassitude représentée également sur son corps.

Ne semblant pas forcément blessé contre le Tchèque en quart de finale, il semblait surtout émoussé. Emoussé physiquement par un joueur mieux préparé, plus en confiance, à un moment de la préparation où le pic de forme était du côté de Berdych. Le physique de Rafael Nadal semble beaucoup moins fringant que des années auparavant, et le Maestro de la Porte d'Auteuil ne semble plus capable de faire éternellement jouer l'adversaire deux ou trois frappes de balle supplémentaires, ce qui fait pourtant sa grande force dans les grands jours. Trois mètres derrière sa ligne dès le retour, et ne parvenant pas à trouver des zones longues, il cavale en permanence, et ne peut maintenant, proche de la trentaine, plus énormément se le permettre.

Là où il avait fait de très grands progrès dans sa carrière, les effets se retrouvent aujourd'hui inversés. Son revers, qui lui permettait de contrer et de trouver des angles fous dans la diagonale, se retrouve aujourd'hui en vrai tendon d'Achille de Nadal. Ne faisant que le frotter, sans intention, sans conviction, celui-ci ne dépasse que très rarement le carré de service et ne dépasse jamais des adversaires à leur apogée physique. Son revers chopé, qui pourrait être une solution face à de gros frappeurs, est loin de celui de son meilleur ennemi, l'Helvète Roger Federer, et flotte..pour finir très souvent dans une zone courte.

Son retour de service est aujourd'hui compliqué. Prenant énormément de services gagnants, il n'a, pendant trois sets, jamais réussi à retourner convenablement la première balle très slicée de Tomas Berdych atterrissant sur son revers, donnant au Tchèque la possibilité quasi-systématique de faire le point sur le coup de raquette suivant. Nadal ne relance plus autant qu'auparavant, et relance sans intensité, ce qui le met dans une situation très compliquée.

Tout le monde se souvient évidemment d'un Rafael Nadal indébordable, à la défense et aux passings géniaux, qui faisaient s'agacer tous les adversaires qu'il rencontrait. Tout le monde se souvient de ce Nadal, se permettant de retourner à cinq mètres de sa ligne de fond de court, sachant que son jeu de jambes exemplaire et sa vitesse de déplacements lui permettraient de quasiment jamais être dépassé par une balle. Tout le monde se souvient évidemment de ce Rafael Nadal qui remet toutes les balles, même les plus compliquées, même celles qui semblaient impossibles. Et bien aujourd'hui Rafael Nadal peine dans ce même secteur de jeu, celui qui a fait sa force et sa réputation. Le taureau de Manacor a énormément de mal à défendre, à remettre, et le poids des années commence à se faire sentir dans ses jambes.

Malheureusement, il s'obstine à continuer dans une phase compliquée pour lui en ce moment, enchaînant les séquences de défense inutiles et très souvent compliquées pour lui et pour ses jambes en ce moment, surtout sur dur. Sur terre battue, avec plus de temps et un rebond plus haut, ce genre de points longs, compliqués et engagés tourneront peut être un peu plus qu'avant à son avantage. La solution sur dur ou surface intermédiaire pour lui serait de prendre la balle plus tôt, où il est capable de mettre du rythme et de l'intensité, avec une très belle volée et un coup droit d'attaque tranchant, ce qui l'a remis dans le match contre Tomas Berdych. Prendre l'échange à son compte semble être une des solutions pour revenir à un niveau auquel il pourrait remporter au moins un autre tournoi du Grand Chelem.

Le débloquage mental et tactique de Tomas Berdych donnera sûrement des idées et des options pour les autres adversaires de Nadal, de plus en plus inquiété par des cogneurs agressifs ou même par tous types de joueurs. Le complexe présent jadis avant de jouer le Majorcain semble s'estomper, et les joueurs ne semblent plus avoir peur de Rafael Nadal, l'ogre de l'ocre.