Pour tout comprendre, commençons par nous remémorer quelques éléments passés.
28 février 2010 : Le Paris Saint Germain reçoit au Parc des Princes son plus farouche adversaire, l’OM. Outre la défaite du PSG (0-3), c’est surtout la mort de Yann Lorence, résident du Kop Of Boulogne et victime des affrontements d’avant match entre Auteuil et Boulogne qui fera de cette rencontre une tragédie. Les autorités mettent alors la pression sur le PSG pour que ce dernier réagisse.
18 mai 2010 : Robin Leproux, alors président du PSG, rend public son plan destiné à pacifier les tribunes : suppression des abonnements et placement aléatoire dans les virages, plusieurs interdictions de déplacement pour les supporters parisiens et de nombreuses dissolutions d’associations de supporters sont prévus. Ce « nettoyage » des tribunes va alors accélérer le rachat du club.
Juin 2011 : Qatar Sport Investment, QSI pour les initiés, rachète 70% des parts du Paris SG et devient donc actionnaire majoritaire du club.

Le projet qatari

Le projet qatari du Paris Saint-Germain se dessine alors petit à petit. Nasser Al-Khelaifi nous livre sa méthode pour faire du PSG un des meilleurs clubs d’Europe et cela sur le long terme. En mai 2012, il parle à L’Equipe « d’investissements capitaux les trois premières années pour donner au club ses fondations ». Il confie également vouloir doter le PSG d’un centre d’entrainement haut de gamme et agrandir le Parc des Princes. Bien sûr, construire un géant du football européen passe aussi par la forte augmentation des recettes de sponsoring et merchandising. En septembre 2012, Nasser Al-Khelaifi révèle au Parisien que « faire du PSG un club fort, ce n’est pas seulement acheter des joueurs, c’est aussi s’appuyer sur le centre de formation, trouver le nouveau Messi, l’un de mes rêves. J’ai ainsi été très fier de voir contre Bordeaux le jeune Rabiot ». La stratégie des nouveaux propriétaires du club parisien pourrait donc être résumé de cette façon : des investissements colossaux les premières années (on parle ici des joueurs mais également des infrastructures), l’augmentation des recettes pour faire du PSG un club viable sur le long terme (cela passe notamment par une gigantesque campagne marketing mondiale, l’augmentation du prix des places, l’achat de joueurs mondialement connus pour vendre plus de produits dérivés, la revalorisation des contrats de sponsoring…) et la perpétuelle recherche de nouveaux talents (on parle ici de s’appuyer sur un centre de formation performant et bien sûr profiter de la puissance financière des Qataris pour s’offrir les cracks de demain). Notons enfin que « nos amis qataris », pour reprendre l’expression de Sébastien Bazin, possède une vision très économique du football.

Les actes

Après les paroles, les actes ? Aujourd’hui, soit trois ans après le début du projet qatari, nous ne pouvons assurément qualifier le travail des nouveaux dirigeants parisiens qu’avec des termes mélioratifs. Deux fois champion de France, autant de fois quart de finaliste de la plus prestigieuse des compétitions européennes, vainqueur de la dernière coupe de la Ligue, un stade plein à tous les matchs, une capacité à s’offrir quasiment n’importe quel joueur, une explosion du chiffre d’affaires : les supporters parisiens ont quelques motifs de satisfaction.
Mais, comment s’est réellement déroulée la révolution parisienne ? Dans les grandes lignes, Nasser Al-Khelaifi a tenu parole : réorganisation de l’équipe managériale, refonte du Camp des Loges, professionnalisation des méthodes d’entraînement, plus de 300 millions d’euros dépensés sur le marché des transferts depuis 2011, des joueurs de classe mondiale, une multitude de nouveaux sponsors, des campagnes publicitaires ahurissantes…, le Paris SG peut aujourd’hui compter sur des bases solides.
Cependant, tout cela est-il suffisant pour faire du Paris Saint-Germain un grand d’Europe sur le long terme ? D’après les dires du président parisien, le centre de formation devait tenir une place toute particulière : il devait servir d’appui à l’équipe première en lui fournissant des joueurs de talent (Nasser Al-Khelaifi parlait même du « nouveau Messi »). Force est de constater que ce dernier a été quelque peu oublié dans le projet qatari. Depuis le rachat du club, nombreuses sont les jeunes pousses parisiennes qui auraient pu se faire une place dans le collectif parisien. Mamadou Sakho n’a pas bénéficié du temps de jeu qu’il méritait, son exil était donc inévitable. Adrien Rabiot a vu ses minutes passées sur le pré nettement diminuées depuis l’arrivée de Yohan Cabaye. Hervin Ongenda n’a même pas participé à dix rencontres avec l’équipe première. Kingsley Coman, seulement trois bouts de matchs avec Paris cette année, pourrait bien être un des plus grands regrets de l’histoire du centre de formation parisien. Alphonse Aréola va lui être prêté pour la deuxième saison consécutive à Lens mais n’a toujours aucune garantie sur son avenir dans le club de la capitale (Sirigu semble indéboulonnable, du moins pour le moment, et Douchez a rempilé). Le constat est clair : Paris n’a pas confiance en ses jeunes et préfèrent acheter des joueurs expérimentés (et donc dépenser des sommes totalement folles) plutôt que de les laisser faire leurs preuves. Pourtant, Paris a besoin de ses jeunes: l’UEFA impose la présence de quatre joueurs formés au club dans la liste que chaque club lui donne pour jouer la Ligue des Champions. De plus, il est plus facile de construire une équipe compétitive et possédant une véritable identité de jeu avec des jeunes joueurs susceptibles de rester longtemps au club plutôt qu’avec des joueurs plus âgés et qui ne sont que de passage.
Revenons également sur un autre point. Nasser Al-Khelaifi n’a jamais cessé de rappeler l’importance, pour le Paris Saint-Germain d’augmenter considérablement ses recettes. En à peine trois ans, Paris a donc plus que quadrupler son chiffre d’affaires. En 2013, le Paris Saint-Germain était le cinquième club le plus riche du monde avec des recettes s’élevant à 399 millions d’euros pour la saison 2012/2013. Fantastique me direz-vous. Seulement voilà, le contrat de sponsoring passé avec QTA (Qatar Tourism Authority) représente presque la moitié de cette somme (entre 150 et 200 millions d’euros chaque saison). Si l’on ajoute à cela le fait que l’Etat du Qatar est à la fois le propriétaire du PSG et de QTA, on peut émettre quelques doutes sur la viabilité à long terme d’une telle manœuvre.

Des ajustements sont nécessaires

Tant que les Qataris seront à la tête du PSG, on peut imaginer que ce dernier se portera bien, autant sportivement qu’économiquement. En effet, la puissance financière des propriétaires actuels du club parisien lui permettra d’engager les meilleurs joueurs et par conséquent d’avoir une équipe compétitive. De plus, les 200 millions d’euros annuels que QTA s’engage à verser au PSG assure à ce dernier d’avoir des comptes plus ou moins équilibrés. Toutefois, qu’adviendra-t-il quand les Qataris partiront ? Avec une masse salariale gigantesque, 220 millions en 2013 selon l’UEFA, des recettes divisées par deux (en enlevant les 200 millions d’euros donnés par QTA) et une équipe composée uniquement de joueurs achetés à prix d’or, comment le PSG pourra-t-il s’en sortir ?
Le PSG doit donc prendre exemple sur son propriétaire, le Qatar. En effet, celui cherche à anticiper le moment où ses réserves de gaz et pétrole seront épuisées en diversifiant ses activités et recettes. Le PSG se doit également de diversifier ses revenus sans quoi il devra faire face à de gros problèmes financiers au départ des Qataris. S’il ne veut pas sombrer lorsqu’il sera revendu, le PSG se doit également de s’appuyer davantage sur son centre de formation. En effet, il permettra de diminuer les dépenses, de faire baisser la masse salariale et facilitera la transition entre l’ère qatarie et l’ère post-qatarie.

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Benjamin Rousselot
Cœur sur les sportifs élégants (gros big up à mon Javier Pastore, on n'oublie pas Andy Schleck et Richard Gasquet).