"Le modèle français repose sur trois piliers: le contrôle financier sévère des clubs, la solidarité financière et la formation. C'est un bon modèle, c'est un football durable". C'est ce que Frédéric Thiriez a déclaré le 12 décembre 2012 lors du forum mondial Doha Goals qui s'est déroulé au Qatar. Le président de la Ligue de Football Professionnel (LFP) est un fidèle partisan d'un football aux finances propres et sans dettes et cela n'est pas prêt de changer. Conscient du retard sportif et financier de nos clubs en comparaison aux voisins allemands, espagnols, anglais ou italiens, il a vu d'un oeil bienveillant l'arrivée de Qatar Sports Investments (QSI) au PSG et d'Al-Jazeera Sports dans le milieu audiovisuel français via sa chaîne BeIn Sport qui a racheté les droits TV de la Ligue 1 et de la Ligue 2. Désormais, il souhaite que d'autres investisseurs viennent s'insérer dans le circuit français pour que la Ligue 1 devienne encore plus compétitive, que les joueurs phares arrivent en France et que les stades soient pleins.

Mais tout ceci peut-il arriver dans une compétition souvent raillée pour son manque de spectacle, pour ses infrastructures archaïques et pour son manque d'engouement populaire ou bien cela restera-t-il un voeux pieux de Frédéric Thiriez? C'est ce que nous allons tenter de décrypter.

Le modèle actuel a-t-il fait son temps?

Frédéric Thiriez nous le rabâche très régulièrement, les clubs français sont des modèles d’exemplarité sur le plan financier. Pas de dettes et pas d’emprunts colossaux qui étouffent les finances. Mais ne serait-ce pas là aussi la limite du système ? Lors de la dernière saison 2011-2012, les bilans financiers publiés par la DNCG démontrent que les clubs de l’élite ont perdu 61M€ nets. A contrario, les salaires des joueurs augmentent tandis que les recettes stagnent ou baissent dans certains cas et que certains actionnaires majoritaires ne peuvent plus (ou ne souhaitent pas) investir d’avantage, que ce soit pour combler les pertes ou bien faire un effort pour acheter des joueurs qui apporteraient un plus au niveau sportif. Hormis les deux exceptions du moment que sont le PSG et l’AS Monaco, soutenus par de puissants investisseurs qui exécutent leur rôle à merveille, les autres clubs tentent désespérément de trouver de l’argent frais et la seule solution actuelle est de vendre ses meilleurs actifs aux plus offrants. Comprenez par-là les joueurs. La question se pose alors : Comment avoir de l’ambition quand on doit vendre ses meilleurs éléments chaque saison pour continuer à vivre puisque les autres revenus n’augmentent pas ?

Car en France, vous ne pouvez pas faire ce qu’il peut se faire à l’étranger. Les recours aux emprunts bancaires sont très règlementés et doivent être justifiés. Pas question de faire comme le Real Madrid qui a fait appel à deux banques (Caja Madrid et Santander) pour financer les transferts de Cristiano Ronaldo et de Kaka. Vous ne pouvez pas vivre au-dessus de vos moyens non plus sous peine de sanctions parfois très lourdes et de coupes budgétaires terribles. Et ne comptez pas plus recevoir des aides de l’Etat et des collectivités locales comme cela peut se faire à Valence.

Dans ce contexte, les clubs ne peuvent se reposer que sur des investisseurs prêts à engloutir des millions sans aucune garantie de les revoir un jour ou tenter de développer des nouvelles sources de revenus. Mais c’est ici que le bât blesse.

Des sources de revenus sous-développées

Dans le dernier rapport de la DNCG pour la saison 2011/2012, les clubs de Ligue 1 présentent des recettes nettes de 1301 millions d’euros inégalement réparties. En effet, 47% de ces dernières proviennent des droits télévisés (613M€) puis arrivent les « Autres produits » (que l’on peut traduire par le marketing, subventions…) avec 18% (236M€), le sponsoring avec 14% (184M€), les mutations (transferts) avec 11% (144M€) et enfin le ticketing avec 10% (124M€).

Le cas de l’AJ Auxerre et ses pertes à hauteur de 16M€ l’an dernier le montre bien, les finances d’un club dépendent trop des résultats sportifs et on peut très vite se retrouver sur la paille dès lors que tout ne se passe pas comme prévu. Un club ayant budgétisé une 15ème place en début de saison et qui terminera 7ème au final verra une manne d’argent inattendue qui arrive dans les caisses. Au contraire, un club ayant tablé un budget sur une 9ème place et qui finira 20ème se verra très lourdement pénalisé et se mettra automatiquement en danger.

En effet, les mannes financières issues du marketing et du ticketing ne sont pas assez développées en France pour lutter contre cette dépendance des droits audiovisuels. Malgré le prix des billets les plus bas des cinq grands championnats en moyenne, les français ne vont pas au stade pour différentes raisons. Certains avancent l’argument de l’insécurité, d’autres la vétusté des structures qui n’assurent pas un confort optimal et d’autres avancent des prix encore trop élevés pour leur bourse. Pour les clubs, il est donc impossible d’augmenter les tarifs sous peine de perdre des spectateurs et donc des sources de revenus potentielles. L’arrivée prochaine des nouveaux stades va-t-elle changer la donne ? Rien n’est moins sûr. Au niveau marketing, les choses sont d’avantage compliquées. Hormis les clubs majeurs et historiques qui peuvent se targuer de vendre des milliers de maillots ou autres produits dérivés en tout genre à travers la France et même le monde, les autres doivent se contenter d’un frange locale fidèle mais insuffisante pour permettre le développement d’une activité commerciale prospère et d’une « marque club ». Alors, comment remédier à tout cela ? Comment fidéliser un public, attirer des consommateurs et créer un soutien populaire quand on est un club aux ambitions moyennes contraint de vendre ses meilleurs éléments chaque année pour continuer à exister et tenter de se développer sans s’endetter ? Quelques débuts de réponses dans la seconde partie…