L'idée d'Henri Desgrange de mettre en place les sélections nationales a totalement relancé l'interêt du Tour. Ces dix éditions le prouveront.

1931 : L'assistance, enfin !

Il a fini par céder. L'assistance devait arriver, et elle a enfin été autorisée. L'assistance était essentielle pour une évolution pour un sport comme le cyclisme. Les coureurs peuvent s'entraider et le public peut aussi les aider "à condition que rien ne soit organisé". Encore bien loin de ce qui se fait actuellement mais une avancée énorme pour le Tour de France. Cependant, Desgrange ne se satifsfait pas des arrivées groupées, coupables selon lui d'ennuyer le public. Le départ séparé revient pour 6 étapes. Le vainqueur d'étape se voit bonifier d'une réduction de son temps de 3 minutes. C'est le début des bonifications.

Pour ce qui est de la course, grosse surprise lors de la 2nde étape et la victoire d'un touriste-routier autrichien. Un certain Marcel Bulla qui empoche du coup le maillot jaune. C'est finalement Antonin Magne, après une course trés disputée qui s'impose. La France retrouve sa place de leader d'antan : 7 victoires d'étape, la victoire finale et la deuxième place du classement par équipes. Rien que ça.


1932 : Leducq profite des bonifications

Les bonifications sont maintenant de 4 minutes pour le vainqueur, 2 minutes pour le second et de 1 minute pour le troisième. André Leducq l'a vite compris. En courant constamment devant, pour prévenir les coups durs et préparer les sprints éventuels. Cette stratégie lui sera rentable. Chaque jour, Leducq essaya d'aller chercher les bonifications et remporta 6 étapes. Très bonne initiative qui a permis à ce Tour de France d'être passionnant même en l'absence de l'équipe d'Espagne et ceux de Charles Pélissier et d'Antonin Magne. Ce sysytème de course est maintenant largement adopté par les favoris de chaque grande course.

1933 : La Gendarmerie Nationale rétablit l'ordre

La sécurité est assuré avec l'arrivée de la Gendarmerie Nationale. La foule chaque année plus nombreuse devenait dangereuse. Le 27 juin 1933, elle arrive sur le Tour et escortera les coureurs du début à la fin de cette édition. Cette évolution n'a jamais été remise en cause. Sur les routes, c'est Georges Specicher qui s'impose. Les bonifications sont maintenant de 2 minutes pour le vainqueur et de 2 minutes pour son dauphin. Ce qui a surtout marqué ce tour, c'est la féroce concurrence des touristes-routiers. Trueba et Guerra (Espagne) et Martano (Italie) poseront bien des problèmes au français.
 

1934 : Magne de bout en bout

Pour la première fois, des étapes sont séparés en deux. C'est le cas pour la 21ème étape, séparée par une étape en ligne de 81km le matin et un Contre-La-Montre de 91 kilomètres. Cette spécificité durera jusqu'à la seconde Guerre Mondiale. Ce contre-la-montre est le premier dans l'histoire du Tour de France. Pour ce qui est de la course, Antonin Magne n'a laissé aucune chance à ses adversaires. Dès la 2ème étape et jusqu'à la dernière, il a gardé le maillot jaune et s'est imposé avec 27 minutes d'avance sur le premier et 52 minutes sur le second. A noter que l'équipe de France a porté de bout en bout la première place et a remporté 19 des 23 étapes. La 5ème étape a deux vainqueurs, les photos-finish n'existant évidemment pas à l'époque. Enfin, la moyenne est très élevé : 30,36 km/h de moyenne.

1935 : Et ça repart côté Belge

Peut-être trop confiants, les Français furent désenparés lors de ce Tour. Dépassés par les frères Maes, incapable de reproduire leurs performances passés, les Vietto & Co' ne feront que pâle figure. C'est Romain qui s'imposa finalement malgré le septicisme ambiant au moment où ce dernier a pris le maillot jaune.

Moment également très marquant lors de cette Grande Boucle, la mort de Francisco Cepeda, la première en presque 30 éditions. L'Espagnol, fils d'un chef d'entreprise a crevé son pneu avant de chuter lourdement à la fin de la descente du Lautaret. Transporté à l'hopital, il reste dans le coma pendant 3 jours et meurt des séquelles de sa frature au crâne. A l'époque, les casques n'existaient pas.

1936 : La passation de pouvoir

La France est heureuse. Le Front Populaire vient de l'emporter. Les grèves ont eu l'effet escompté, les salaires ont augmenté de 7 à 15%, les congés payés sont apparus... La France est heureuse et profite de ses nouveaux avantages. La retransmission radio du Tour de France ne fait qu'augmenter son audience. Mais Henri Desgrange ne peut profiter de tout cela. Mal remis d'une intervention chirurgicale, il ne peut que laisser la direction de l'épreuve à Jacques Goddet, son fils spirituel.

Pour ce qui est de la course, c'est maintenant au tour de Sylvère Maes de remporter l'épreuve, après son frère Romain l'édition précédente. Convaincu qu'il allait remporter ce Tour, il commanda même un maillot jaune en soie qu'il portera le dernier jour quand il pénétra à l'intérieur du Parc des Princes.

1937 : Le retour d'une France qui gagne

Complet, souple, puissant, finisseur redoutable.... voici tout l'attirail de Roger Lapébie, le Français vainqueur de ce 31ème Tour de France. Alors que les Belges renoncèrent et qu'un certain Gino Bartali abandonne suite à une chute violente dans un cours d'eau, Lapébie continua lui son petit bout de chemin et s'imposa avec 7 minutes d'avances sur Vicini et 26 sur le Suisse Amberg. Dans ce 31ème Tour de France est autorisé à tous le dérailleur. D'aprés Jean Leulliot, directeur technique de l'équipe de France (poste nouvellement créé) : "Le changement de vitesse a compté pour beaucoup dans la victoire de Lapébie qui a toujours eu le développement qu'il désirait, quand il le voulait".

1938 : Monsieur Gino Bartali

Le contre-la-montre par équipes a disparu. Cela n'a sûrement pas eu une grande incidence sur l'état de forme de Gino Bartali, en état de grâce. Le 22 juillet, il met 5 minutes à Vicini, 16 minutes aux suivants. Impressionnant de puissance et de gestion d'effort, participant à l'exposition de l'Italie fasciste voulue par Mussolini, Gino Bartali s'impose sans aucune contestation et en avait sûrement gardé sur la pédale. Bartali est encore actuellement un des cyclistes les plus connus de cette époque. Pas besoin de se demander pourquoi.

1939 : Comme un préssentiment...

La foudre des régimes totalitaires s'abat peu à peu sur l'Europe. Staline, Hitler, Mussolini… Une grande Guerre se pressent même si pour garder espoir, les populations disent que cette guerre n'aura pas lieu. En tout cas, pas en 1939. Mais les signes s'accumulent : forfaits des italiens, des espagnols et des allemands ; coureurs travaillants dans l'armée non-libérés... amoncellent des jours sombres. Dans ce climat très tendu, le Tour de France a bel et bien eu lieu. Et pour rendre plus passionnant la chose au vu de ces forfaits, Henri Desgrange met en place des équipes régionales et la Belgique a une équipe "B". Ceci augmente la popularité de l'épreuve, les spectateurs étant attachés aux performances des "locaux".
 
Les Belges sont donc nommés grands favoris. Mais les Français leur proposent une belle concurrence. Amédée Fournier, Jean Fontenay puis René Vietto leurs rendent la vie dure en possédant chacun leur tour le maillot jaune. Mais ce sera finalement Sylvère Maes qui l'emportera avec pas moins de 30 minutes d'avances sur René Vietto. Mais la tête était bien évidemment à autre chose. Quelques semaines plus tard, la France déclarera la guerre à l'Allemagne. Ce Tour fut le dernier d'Henri Desgrange, qui s'éteint le 16 août 1940. Il avait 75 ans.
 
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